Mathieu Richer Mamousse pour M le magazine du Monde

A Viviers, Fernande, 93 ans, la dernière âme d’une cité fantôme

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Publié hier à 17h00, mis à jour hier à 17h00

Même les pompiers n’ont pas réussi à la déloger. « Si vous me virez, je crève sur ma chaise », leur a lancé Fernande Brunel. A 93 ans, elle est la dernière habitante de la cité Blanche, une ancienne cité ouvrière du groupe Lafarge, à Viviers, dans l’Ardèche. Aujourd’hui déserté, l’endroit a autrefois accueilli plus de 450 âmes. La gardienne des lieux n’a pas voulu quitter son appartement de quatre pièces, même après le séisme de magnitude 5,4 qui a secoué la région le 11 novembre 2019.

La solitude non plus ne la poussera pas à déménager. « Pour aller où ? », répète-t-elle. Depuis soixante-quinze ans, sa vie est à la cité Blanche. L’ensemble est sinistré et aucun projet de réhabilitation ne se distingue. La grande majorité des gens sur les photos d’archives sont morts. « Et lui, il est encore en vie ? », demande-t-on régulièrement à Fernande. A quelques centaines de mètres de la cité se trouve l’usine mère du cimentier français, fondé en 1833, qui tourne encore. A la cité Blanche, c’est un pan de l’histoire industrielle de la France qui tombe à l’abandon.

S’aventurer dans ses rues donne l’impression de s’inviter dans le décor d’un film postapocalyptique. A cinq kilomètres de la ville de Viviers, l’endroit est coincé entre les voies de chemin de fer et la D86 d’un côté, le Rhône de l’autre, et les usines d’Imerys (leader mondial des spécialités minérales pour l’industrie) et de Lafarge en amont. Une rue longue de deux cents mètres sépare deux rangées de bâtiments. Les logements à l’est datent de 1880, ceux à l’ouest de 1913.

Un passé englouti

Dans la partie la plus ancienne, plusieurs toits se sont effondrés. Les volets en bois claquent lorsque le mistral s’engouffre dans l’allée, secouant la rangée de platanes centenaires. Quelques rares voitures de passage donnent un peu de vie à ce paysage lugubre. Une auto-école vient s’entraîner aux créneaux sans risquer d’être dérangée. Un panneau « route barrée » et un arrêté municipal mettent en garde contre « le risque de chutes de matériaux sur la voie ouverte à la circulation » depuis le 18 novembre 2019.

« Au début, on payait un peu. Quand mon mari est décédé, en 1975, Lafarge m’a enlevé tous les frais. Avant, ils fournissaient même le chauffage, l’eau et la lumière. » Fernande Brunel

Dans le bâtiment qui fut celui de la sacherie, où les femmes raccommodaient les sacs de ciment dès 1910, des canettes vides de Coca-Cola et des graffitis témoignent d’intrusions. « A chaque fois que je viens, du matériel a disparu », remarque l’artiste Gérard Barcelonne, qui a installé son atelier dans l’appartement au-dessus de celui de Fernande Brunel. Au centre de la cité, l’église a elle aussi souffert. L’orgue et des statues ont été vandalisés. « Il y a pourtant des caméras de surveillance, se désole Martine Mattei, maire de Viviers. Mais on ne peut pas laisser un gendarme en faction devant la cité Blanche tous les jours. » L’édifice désacralisé est désormais fermé et des barrières dissuadent de s’en approcher.

Sur le côté, on distingue d’importantes fissures. Il paraît que, les jours de beau temps, on voit les rayons du soleil traverser le bâtiment de part en part. Ils éclairent alors le Cercle Saint-Léon, l’ancien café qui fait face à l’église. Il n’en reste pas grand-chose, si ce n’est sa vieille horloge rouillée. Symbole de ce passé disparu, la pancarte de l’arrêt de bus à côté du bistrot est quasiment engloutie dans le tronc d’un platane. La nature a aussi repris ses droits à l’arrière de la cité, le long du Rhône. Là où il y avait une boulangerie, une boucherie et une coopérative, on ne voit plus que végétation débordante, ronces et nids de vipères.

« Si on la sort de là, elle meurt »

Seule la partie datant de 1913 semble mieux résister au temps. Il faut dire qu’elle a eu droit à un peu d’entretien. Fernande Brunel habite l’appartement numéro 109. Elle reçoit dans sa salle à manger. La décoration est d’époque. Son poêle à fioul aussi est du siècle dernier, mais la vieille dame assure qu’il fonctionne toujours. Assise sur sa petite chaise en bois, elle raconte son histoire de sa voix grave dotée d’un fort accent qui lui fait rouler les « r ».

Fernande Brunel dans son appartement de la cité Blanche  de Viviers (Ardèche), le 26 janvier 2021.

Originaire de la Drôme, elle est arrivée ici en 1946 en suivant son mari, qui fut maréchal-ferrant puis cuiseur pour Lafarge. Elle a d’abord habité dans la partie de 1880, avant d’emménager dans le bâtiment d’avant-guerre en 1973, quand des appartements se sont libérés. Le cimentier est toujours propriétaire des lieux, mais il ne demande plus de loyer à Fernande. « Au début, on payait un peu. Quand mon mari est décédé, en 1975, ils m’ont enlevé tous les frais. Avant, ils fournissaient même le chauffage, l’eau et la lumière », indique-t-elle.

« Lafarge était notre maman. On avait une fuite d’eau, on appelait le service réparation et hop ! un plombier arrivait. » Fernand Chabanis, 80 ans

Aujourd’hui, c’est Gérard Barcelonne, présent depuis une petite dizaine d’années, qui s’occupe de l’approvisionner en fioul. Et la fille de Fernande se charge de ses courses chaque semaine. Car la nonagénaire commence à fatiguer. Les après-midi ensoleillés, elle avait l’habitude de s’asseoir sur une chaise à l’extérieur. Mais les treize marches de son perron deviennent un obstacle. Cela ne l’empêche pas de garder sa bonne humeur. « Ah ça, c’est une déconneuse ! », assure Gérard Barcelonne.

Il n’y a qu’à la voir se recoiffer en plaquant ses cheveux courts sur le côté pour être belle sur la photo. Son occupation principale : lire Le Dauphiné libéré, qui lui a consacré un portrait d’une page il y a quelques semaines. Depuis le temps, elle a appris à ne plus faire attention aux trains de marchandises qui passent juste sous sa fenêtre ou au fond sonore incessant du concassage venu des usines voisines. Vivre à l’écart ne la dérange pas. « Je suis habituée. Ça fait plus de quinze ans que les dernières familles sont parties. » « Elle est dans son monde, ajoute Gérard Barcelonne. Si on la sort de là, elle meurt. » Fernande tente même de se faire un peu plus oublier : elle a reçu un courrier de la mairie pour se faire vacciner, mais elle ne veut pas y aller. « Trop dangereux », juge-t-elle.

Paternalisme assumé

La cité témoigne d’un temps où les ouvriers réalisaient un travail de bagnard. Les uns descendaient les parois de la carrière à l’aide de cordes après les tirs de mine pendant que les autres remplissaient sept chariots de pierres par jour. Alors, pour récompenser ses hommes, mais aussi pour les garder dans l’entreprise et éviter qu’ils n’aillent se perdre dans les cabarets le soir, Raphaël de Lafarge construit la cité Blanche en 1880. Son nom est un hommage à son épouse, Blanche de Causans, morte à 35 ans.

Vue aérienne de la cité Blanche – au fond, l’usine de ciment Lafarge devant les fronts où sont extraits le calcaire.

L’initiative va dans le sens des avancées sociales proposées par l’entreprise à la fin du XIXsiècle : une caisse d’épargne, une caisse de retraite et une sécurité sociale. « C’était un vrai petit village, se souvient Francine Dumas. On avait les commerces, le café, les écoles, la bibliothèque, le théâtre et le cinéma. J’y vendais des bonbons Krema. » Cette septuagénaire est même née à la maternité de la cité. « A l’école, on disait qu’on était né dans un sac de ciment », rigole-t-elle. « Lafarge était notre maman, ajoute son cousin Fernand Chabanis, 80 ans aujourd’hui. On avait une fuite d’eau, on appelait le service réparation et hop ! un plombier arrivait. »

Au milieu de ce paternalisme assumé, une autre entité avait un pouvoir très fort dans la cité : l’Eglise. Ce n’est pas un hasard si la chapelle, qui était à l’origine au centre de l’usine, a été déplacée au milieu de la cité dans les années 1920. « La seule politique, c’était la politique du curé. Il était plus fort que le directeur de Lafarge », assure Christian Ranchon, deuxième nouveau-né à la maternité de la cité, en 1942. Le dimanche, un garde faisait le tour des jardins privatifs pour s’assurer que les ouvriers catholiques ne manquaient pas à leur devoir dominical. Les fautifs pouvaient se voir refuser l’entrée à l’usine le lundi.

Des vies dans la poussière

Malgré les avancées sociales chez Lafarge, la vie reste modeste à la cité Blanche. Un ancien habitant, qui préfère rester anonyme, se souvient « d’une période difficile, d’un monde ouvrier confiné avec ses problèmes sociaux et d’alcoolisme ». L’environnement n’est pas non plus idéal quand on vit à côté d’une carrière. Plus que le bruit des travaux, c’est la poussière qui a marqué les habitants. Sur certaines photos d’archives, la cité Blanche semble sous la neige en plein été. Pierre de Lafarge, arrière-arrière-petit-fils de Raphaël de Lafarge, a grandi dans le château familial à 500 mètres de la cité mais s’y rendait à l’école avec son frère, un autre Raphaël. « Le sol était blanc et craquelait sous nos pas, revit-il. Et, quand on ramassait les fraises dans le jardin, on passait un bon moment à les nettoyer. Mais, comme vous le voyez, la poussière ne nous a pas tués. »

« Aujourd’hui, on ne voit plus grand monde à l’usine. On a coutume de dire que, quand on croise quelqu’un, c’est qu’il y a une machine en panne quelque part. » Jack Szabo, ancien ingénieur chez Lafarge

Tous les mauvais souvenirs semblent pourtant avoir été effacés par les anciens résidents. Les « Lafargeois », comme ils s’appelaient entre eux. La « bonne ambiance » de l’époque prenait souvent racine au Cercle, pôle central de l’allée. Il était ouvert toute la journée le dimanche et les jours fériés et partiellement durant la semaine. On y trouvait une salle de billard, un baby-foot et même une salle d’escrime pour les jeunes. « En principe, le Cercle ne servait pas de boissons alcoolisées. Je dis bien en principe… car le pastis n’a pas tardé à faire son apparition », s’amuse Fernand Chabanis.

De toute manière, les ouvriers pouvaient faire leur propre vin dans leur cave : le clinton, qui ne dépassait pas les 7 degrés d’alcool. « Et le soir, tout le monde sortait. Les mémés se mettaient sur leurs chaises comme dans tous les villages et nous, les gamins, on s’amusait, se remémore avec passion Francine Dumas. Tout le monde s’entendait bien. Pourtant, il y avait des différences de hiérarchie. » Même les Lafarge se mêlaient parfois à la fête. « A l’école, on ne souffrait pas d’être les fils des bourgeois du coin. Tout le monde s’en fichait », raconte Raphaël, le descendant de la famille qui possède aujourd’hui le château voisin.

Le bâtiment abandonné de la sacherie. La pancarte d’un arrêt de bus prise dans le tronc d’un platane.

L’osmose se fait aussi entre les ouvriers français et la communauté italienne, très forte au sein de l’usine. « Il n’y a qu’au moment du Tour de France que Français et Italiens se tiraient la bourre », témoigne Fernand Chabanis en riant. Le sport occupe une place importante dans la cité, à commencer par les boules. Fernande Brunel se souvient des hommes jouant à la pétanque jusqu’à 3 heures du matin, alors qu’ils travaillaient le lendemain à 5 heures. Aux fenêtres, les femmes les sermonnaient.

Décor de cinéma

Puis, dans les années 1970, la cité s’est vidée progressivement. La faute à la mécanisation, mise en place à partir des années 1950. « Aujourd’hui, on ne voit plus grand monde à l’usine. On a coutume de dire que, quand on croise quelqu’un, c’est qu’il y a une machine en panne quelque part », taquine Jack Szabo, ancien ingénieur chez Lafarge, qui travaille aujourd’hui à la préservation de la cité Blanche.

Le bâtiment qui abrite l’appartement de Fernande Brunel.

Le site qui a vu naître le cimentier français ne compte plus que 150 employés, contre environ 900 à une époque. Les salariés ne sont plus attirés par les logements collectifs. « La société a vendu des terrains au nord de l’usine à des prix défiant toute concurrence pour le personnel qui souhaitait construire sa maison individuelle », ajoute Jack Szabo. La maternité a été rasée dans les années 1980, tout comme l’école des filles, dont on discerne encore aujourd’hui les dalles au bout de la cité.

Il y a une dizaine d’années, pourtant, la cité Blanche a temporairement repris vie. Le réalisateur Nassim Amaouche l’avait choisie pour décor du film Adieu Gary, récompensé à Cannes par le Grand Prix de la Semaine de la critique en 2009, avec Jean-Pierre Bacri, récemment disparu. Yvonne Leclère, ancienne vice-présidente du Centre international construction et patrimoine (CICP) de Viviers, association qui vise à mettre en valeur le patrimoine ancien de la commune, se souvient très bien du tournage. Cette ancienne institutrice, encyclopédie vivante de la cité Blanche, a été largement sollicitée par l’équipe du film.

Dans son petit bureau à Viviers, ses bibliothèques sont remplies de classeurs et de protège-documents sur la commune et ses environs. Dans une boîte, elle conserve une cinquantaine de disques d’archives sur la ville. En 2007, alors qu’elle est présidente de l’office du tourisme de Viviers, elle est chargée de faire visiter la cité Blanche à Nassim Amaouche. Le réalisateur tombe tout de suite sous le charme. « Je cherchais un lieu qui dégage une forte odeur poétique, hors du temps et qu’on ne puisse pas situer géographiquement. On ressent ici les traces d’une vie. Ce qui est intéressant à la cité, c’est qu’il n’y a rien, mais que tout est là pour imaginer », décrypte-t-il dans La Tribune avant le tournage, à l’été 2008.

Yvonne Leclère spécialiste de l’histoire de la cité Blanche.

Pour l’occasion, la cité se refait une beauté : elle est nettoyée entièrement et des appartements sont réaménagés pour des scènes en intérieur. C’est ainsi que Fernande a eu pour voisin Jean-Pierre Bacri, qui tournait sur le palier d’en face. Et comme d’autres anciens de la cité, elle a été prise parmi les figurants. Malheureusement pour sa carrière d’actrice, les scènes n’ont pas été gardées au montage. Mais « les derniers habitants de la cité Blanche » ont eu droit à leurs remerciements dans le générique, tout comme Yvonne Leclère.

Pas de projet de réhabilitation à l’ordre du jour

Un autre film aurait pu offrir un meilleur avenir aux lieux. Le documentaire Les Enfants de la cité blanche (2009), réalisé par France Bonnet et Kamel Chérif, attire l’attention de Bruno Lafont, alors PDG de Lafarge. Encore une fois, Yvonne Leclère se charge de la visite des lieux et l’homme d’affaires semble charmé. Mais pas assez pour mettre la main au portefeuille.

Depuis le film, le CICP de Viviers et une poignée d’artistes ont investi les lieux, en accord avec Lafarge. Dans le même immeuble que Fernande, l’association a repris les appartements rénovés à l’occasion du long-métrage pour en faire ses bureaux et des salles d’exposition. Les bénévoles ont reconstitué une salle à manger d’époque avec des meubles et une vieille télé retrouvée dans le grenier. De quoi agrémenter les visites de la cité qu’ils organisaient plusieurs fois par an. Avec un succès mitigé : en dix ans, l’association n’a fait venir que 12 000 personnes. Depuis le séisme de 2019, le CICP a commencé à évacuer les lieux et a arrêté les visites. « On reçoit davantage d’appels depuis le tremblement de terre, note cependant Nathalie Lyotard, animatrice du patrimoine au CICP. Comme si les gens voulaient voir cet endroit avant qu’il ne disparaisse. »

« C’est quand même un terrain enfermé dans une structure industrielle. Ça paraît compliqué d’y bâtir un hôtel ou un centre de vacances. » Eric Delquignies, directeur de l’usine Lafarge

C’est bien ce qui pourrait se produire si les acteurs locaux ne parviennent pas à se mettre d’accord. Chacun se renvoie la balle, se disant ouvert à des projets, mais sans vraiment prendre d’initiative. Même au sein du CICP et entre anciens de la cité, on ne s’accorde pas toujours sur la route à suivre. La situation géographique du lieu n’aide guère. L’usine s’appelle officiellement Lafarge Ciments Le Teil (du nom de la commune juste au nord), mais ses installations se trouvent à 90 % sur la commune de Viviers. De quoi créer un premier imbroglio, d’autant que l’administration vivaroise a déjà d’autres dossiers sur les bras.

« On a un patrimoine gigantesque, qui n’a pas toujours été entretenu comme il aurait dû l’être », s’inquiète la maire, Martine Mattei, depuis son bureau de l’hôtel de ville, un ancien palais épiscopal rénové. Autant dire que la cathédrale Saint-Vincent ou les anciennes écuries du centre passeront sans doute avant une cité ouvrière perdue à cinq kilomètres.

Inscrite à l’Inventaire des monuments historiques

Depuis août 1995, la cité Blanche est inscrite à l’Inventaire supplémentaire des monuments historiques. Inscrite mais non classée : un détail qui a son importance. « Si un lieu est classé, il faut l’entretenir. S’il est inscrit, il ne faut juste pas le détruire », explicite Yvonne Leclère. Or l’inscription ne simplifie pas les choses : elle empêche, certes, Lafarge de raser la cité et peut permettre de débloquer plus de subventions, mais elle alourdit aussi le coût des chantiers et complique les démarches administratives.

Dans la sacherie, aujourd’hui laissée à l’abandon. L’atelier de l’artiste Gérard Barcelonne, installé dans un ancien appartement.

« Même pour changer une prise électrique il faut l’autorisation des architectes », rouspète Eric Delquignies. Installé dans son bureau à l’entrée de l’usine, le directeur des lieux depuis 2017 est bien embêté. Les réunions publiques avec le président du département, le député, les maires et le CICP s’enchaînent sans grand résultat. « On aimerait bien donner le feu vert à un projet de réhabilitation de la cité, mais encore faut-il qu’il y en ait un qui s’impose. C’est quand même un terrain enfermé dans une structure industrielle. Ça paraît compliqué d’y bâtir un hôtel ou un centre de vacances », ironise-t-il.

La fusion, en 2015, du cimentier français avec le suisse Holcim n’a pas facilité les choses. « Ce n’est pas le berceau d’Holcim, ici. Ils n’ont pas grand intérêt à s’y investir », regrette Pierre de Lafarge. Celui qui fut administrateur de Lafarge jusqu’en 2012 avait proposé de relocaliser le siège français à Viviers (il se trouve aujourd’hui à Clamart, dans les Hauts-de-Seine). « Cela aurait recréé un pôle d’attraction et on aurait pu trouver des solutions pour la cité Blanche. Mais, à l’époque, Bruno Lafont m’a pris pour un fou. »

L’espoir d’un mécène

Le seul projet actuel est donc un permis de construire déposé fin décembre 2020 pour des travaux de sécurisation du site. L’équipe d’Eric Delquignies s’est associée avec celle de Didier Repellin, architecte en chef des monuments historiques dans la région, qui a travaillé sur la restauration du palais des Papes à Avignon, mené des missions pour l’Unesco et exporté ses compétences aux Etats-Unis et en Asie. Une simple consolidation d’une partie des bâtiments coûterait déjà 170 000 euros. Lafarge attend des aides, tout comme la commune.

La rue principale de la cité Blanche.

« Financièrement, c’est un gouffre, concède Martine Mattei. Et plus on attend, plus ça va coûter cher. » Alors l’édile de Viviers en vient à espérer « un mécène très généreux qui nous apporte les fonds d’un coup de baguette magique. Si quelqu’un est partant, on offre le gîte et le couvert ! » Ce mécène pourrait bien être une personnalité connue de tous les Français : Stéphane Bern. En 2018, la commune de Viviers avait reçu un financement issu du Loto du patrimoine pour restaurer sa Maison des chevaliers.

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« Cette année, on a fait une demande pour Notre-Dame du Rhône, à Montélimar. Après, il y aura la cité Blanche, pourquoi pas ? », espère Yvonne Leclère. Tout en dissertant sur l’avenir des lieux, elle tombe sur un nouvel article dans ses archives : « La cité Blanche s’éteint lentement ». « C’est le genre de titre qui m’énerve, réagit-elle. On ne dit pas qu’elle s’éteint alors qu’on se bat pour la faire revivre ! » Mais tous les protagonistes de l’histoire ne partagent pas le même optimisme concernant la survie de l’endroit. Le peintre Gérard Barcelonne préfère manier l’humour : « Demandez-moi les chiffres du Loto, ce sera plus facile à prédire. » Fernande Brunel, elle, ne se fait aucune illusion : « Y a plus qu’à crever ! », répète la dernière habitante des lieux. La seule façon pour elle de quitter sa cité Blanche.

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